Homélie du Saint-Père: Jubilé des prisonniers

04-09-2016 Vatican.va

omelia giubileo carcerati

 

 

JUBILÉ EXTRAORDINAIRE DE LA MISÉRICORDE

JUBILÉ DES PRISONNIERS

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique Vaticane
Dimanche, 6 novembre 2016

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Le message que la Parole de Dieu veut nous communiquer aujourd’hui est certainement celui de l’espérance, celui de cette espérance qui ne déçoit pas.

L’un des sept frères condamnés à mort par le  roi Antiocos Epiphane  dit : « On attend la résurrection promise par Dieu » (2M 7, 14). Ces paroles manifestent la foi de ces martyrs qui, malgré les souffrances et les tortures, ont la force de regarder au-delà. Une foi qui, tandis qu’elle reconnaît en Dieu la source de l’espérance, révèle le désir d’attendre une vie nouvelle.

De même, dans l’Évangile, nous avons entendu comment Jésus, avec une simple réponse mais parfaite, efface toute la banale casuistique que les Saducéens lui avaient soumise. Son expression : « Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui » (Lc 20, 38), révèle le vrai visage du Père, qui ne désire que la vie de tous ses enfants. L’espérance de renaître à une vie nouvelle est donc ce que nous sommes tous appelés à faire nôtre pour être fidèles à l’enseignement de Jésus.

L’espérance est un don de Dieu. Nous devons la demander. Elle est mise au plus profond du cœur de chaque personne afin qu’elle puisse éclairer de sa lumière le présent, souvent obscurci et assombri par tant de situations qui portent tristesse et douleur. Nous avons besoin d’affermir toujours davantage les racines de notre espérance, pour qu’elles puissent porter du fruit. En premier lieu, la certitude de la présence et de la compassion de Dieu, malgré le mal que nous avons accompli. Il n’y a pas d’endroit dans notre cœur qui ne puisse pas être atteint par l’amour de Dieu. Là où il y a une personne qui a commis une faute, là se fait encore plus présente la miséricorde du Père, pour susciter le repentir, le pardon, la réconciliation, la paix.

Aujourd’hui, nous célébrons le Jubilé de la Miséricorde pour vous et avec vous, frères et sœurs détenus. Et c’est à cette expression de l’amour de Dieu, la miséricorde, que nous sentons le besoin de nous confronter. Certes, le manquement à la loi a mérité la condamnation ; et la privation de la liberté est la forme la plus lourde de la peine qui est purgée, car elle touche la personne dans son fond le plus intime. Et pourtant, l’espérance ne peut s’évanouir. Une chose, en effet, est ce que nous méritons pour le mal fait ; autre chose, en revanche, est le fait de ‘‘respirer’’ l’espérance, qui ne peut être étouffé par rien ni par personne. Notre cœur espère toujours le bien ; nous le devons à la miséricorde avec laquelle Dieu vient à notre rencontre sans jamais nous abandonner (cf. Augustin, Sermon 254, 1).

Dans la Lettre aux Romains, l’apôtre Paul parle de Dieu comme du « Dieu de l’espérance » (Rm 15, 13). C’est comme s’il voulait nous dire, à nous également : ‘‘Dieu espère’’ ; et aussi paradoxal que cela puisse paraître, il en est précisément ainsi : Dieu espère! Sa miséricorde ne le laisse pas tranquille. Il est comme ce Père de la parabole, qui espère toujours le retour de son fils qui a commis une faute (cf. Lc 15, 11-32). Il n’y a ni trêve ni repos pour Dieu jusqu’à ce qu’il retrouve la brebis qui s’était perdue ( cf. Lc15, 5). Donc, si Dieu espère, alors l’espérance ne peut être enlevée à personne, car elle est la force pour aller de l’avant ; elle est la tension vers l’avenir pour transformer la vie ; elle est un élan vers demain, afin que l’amour dont, malgré tout, nous sommes aimés, puisse devenir un chemin nouveau…. En somme, l’espérance est la preuve intérieure de la force de la miséricorde de Dieu, qui demande de regarder devant et de vaincre, par la foi et l’abandon à lui, l’attraction vers le mal et le péché.

Chers détenus, c’est le jour de votre Jubilé ! Qu’aujourd’hui, devant le Seigneur, votre espérance soit allumée. Le Jubilé, de par sa nature même, porte en soi l’annonce de la libération (cf. Lv 25, 39-46). Il ne dépend pas de moi de pouvoir la concéder ; mais susciter en chacun de vous le désir de la vraie liberté est une tâche à laquelle l’Église ne peut renoncer. Parfois, une certaine hypocrisie porte à voir en vous uniquement des personnes qui ont commis une faute, pour lesquelles l’unique voie est celle de la prison. Moi, je vous dis : chaque fois que j’entre dans une prison, je me demande : ‘‘Pourquoi eux et pas moi ?’’. Tous, nous pouvons commettre des fautes : tous ! D’une manière ou d’une autre, nous avons commis des fautes. Et par hypocrisie, on ne pense pas qu’il est possible de changer de vie : il y a peu de confiance dans la réhabilitation, dans la réinsertion dans la société. Mais de cette manière, on oublie que nous sommes tous pécheurs et que, souvent, nous sommes aussi des prisonniers sans nous en rendre compte. Lorsqu’on s’enferme dans ses propres préjugés, ou qu’on est esclave des idoles d’un faux bien-être, quand on s’emmure dans des schémas idéologiques ou qu’on absolutise les lois du marché qui écrasent les personnes, en réalité, on ne fait rien d’autre que de se mettre dans les murs étroits de la cellule de l’individualisme et de l’autosuffisance, privé de la vérité qui génère la liberté. Et montrer du doigt quelqu’un qui a commis une faute ne peut devenir un alibi pour cacher ses propres contradictions.

Nous savons, en effet, que personne devant Dieu ne peut se considérer juste (cf. Rm 2, 1-11). Mais personne ne peut vivre sans la certitude de trouver le pardon ! Le larron repenti, crucifié avec Jésus, l’a accompagné au paradis (cf. Lc 23, 43). Que personne d’entre vous, par conséquent, ne s’enferme dans le passé ! Certes, le passé, même si nous le voulions, ne peut être réécrit. Mais l’histoire qui commence aujourd’hui, et qui regarde l’avenir, est encore toute à écrire, avec la grâce de Dieu et avec votre responsabilité personnelle. En apprenant des erreurs du passé, on peut ouvrir un nouveau chapitre de la vie. Ne tombons pas dans la tentation de penser de ne pouvoir être pardonnés. Quelle que soit la chose, petite ou grande, que le cœur nous reproche, « Dieu est plus grand que notre cœur »  (cf. 1Jn 3, 20) : nous devons uniquement nous confier à sa miséricorde.

La foi, même si elle petite comme un grain de sénevé, est en mesure de déplacer les montagnes (cf. Mt 17, 20). Que de fois la force de la foi a permis de prononcer le mot pardon dans des conditions humainement impossibles ! Des personnes qui ont subi des violences ou des abus dans leur propre chair ou dans leurs proches ou dans leurs biens… Seule la force de Dieu, la miséricorde, peut guérir certaines blessures. Et là où on répond à la violence par le pardon, là aussi le cœur de celui qui a commis une faute peut être vaincu par l’amour qui l’emporte sur toute forme de mal. Et ainsi, parmi les victimes et parmi les coupables, Dieu suscite d’authentiques témoins et artisans de miséricorde.

Aujourd’hui, nous vénérons la Vierge Marie dans cette statue qui la représente comme la Mère qui porte dans ses bras Jésus avec une chaîne rompue, la chaîne de l’esclave et de la détention. Qu’elle tourne vers chacun de vous son regard maternel ; qu’elle fasse jaillir de votre cœur la force de l’espérance pour une vie nouvelle et digne d’être vécue dans la pleine liberté et au service du prochain.

 

 

 

 

 

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